
Samedi 10 juin 2023 de 10h15 à 18h
Entrée libre et gratuite
Accès par l’accueil du musée des Arts et Métiers, 60 rue Réaumur, Paris 3e
Journée d’étude proposée par le musée des Arts et Métiers-Cnam et le Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS, section Sciences, histoire des sciences et des techniques et archéologie industrielle).
« Par l’importance et la diversité de son œuvre, par l’énergie de son action, par la richesse des orientations nouvelles qu’il s’est efforcé de promouvoir, Maurice Daumas a contribué avec beaucoup d’efficacité au renouveau et au développement des études d’histoire des sciences et des techniques en France. »
René Taton (Maurice Daumas (1910-1984), Revue d’histoire des sciences, tome 37, n°3-4, 1984, p. 334-338)
Cette journée d’étude, organisée par le musée des Arts et Métiers-Cnam et le CTHS (section Sciences, histoire des sciences et des techniques et archéologie industrielle), s’attachera à l’œuvre de Maurice Daumas, chimiste, historien et professeur, grand promoteur de la culture scientifique et technique, conservateur de musée engagé dans la sauvegarde et la préservation du patrimoine scientifique, technique et industriel. Il fut également, dans sa jeunesse, un militant syndicaliste et collaborateur au périodique Combat d’Albert Camus (1913-1960).
Chimiste de formation, attentif à la transmission des connaissances, Maurice Daumas publie en 1941 un ouvrage de synthèse, dans la collection Que sais-je ? (dont il est l’un des fondateurs), sur le thème porteur des « matières plastiques ». Il se tourne, au même moment, vers l’histoire des sciences et publie en 1955 un ouvrage très remarqué sur Lavoisier, théoricien et expérimentateur. Ce titre résume à lui seul les deux pivots de la pensée et de l’œuvre de Daumas : la théorie et l’expérience, l’une n’allant jamais sans l’autre.
Son intérêt pour les instruments scientifiques, objets d’une thèse de doctorat (1952) sous la direction de Gaston Bachelard (1884-1962), le conduit à aborder l’histoire des techniques, dont il devient, en France, l’un des pionniers avec Bertrand Gille (1920-1980). Il mettra en œuvre les recommandations de Lucien Febvre (1878-1956) qui, en 1935, lance un appel pour la création d’une nouvelle branche d’histoire : l’histoire des techniques. Daumas crée le concept de « complexe technique » (ou complexe technologique) - Bertrand Gilles y répondra par celui de « système technique » -, et place la « technologie », à la croisée des sciences et des techniques. Il interroge les notions d’invention, d’innovation, d’empirisme, de progrès, de changements, ruptures et révolutions techniques et/ou industrielles… Il publie nombre d’articles et d’ouvrages de référence, assure la direction des deux monumentales Histoire générale des techniques et Histoire générale des sciences. La publication posthume, en 1991, de son ouvrage Le cheval de César ou le mythe des révolutions techniques condense des années de recherche et fait office de testament.
Très inséré dans la communauté scientifique internationale, il multiplie les interventions dans les congrès et colloques, en France comme à l’étranger, entretient des relations très fortes avec les pays d’Europe de l’Est, et contribue au rayonnement du musée du Conservatoire des arts et métiers, qu’il intègre en 1947 en qualité de conservateur-adjoint. Il en devient, au départ de Jean Loiseau (1890-1985) en 1959, l’un des conservateurs les plus éminents et l’un des plus ardents défenseurs du « musée national des Techniques », dont il engage la « modernisation » et développe des actions en faveur du public. Dans la lignée de Jean Loiseau, il fait de la question de la muséologie scientifique et technique des musées français et étrangers une préoccupation récurrente. Il dirige le service de muséologie technique (créé en 1946), apporte son soutien à la création et au fonctionnement des musées techniques et contribue au dynamisme du réseau nationale et international par sa participation active à différentes organisations (dont l’ICOM et l’ICOTHEC). Daumas s’attache au difficile problème de l’actualisation des collections du musée national des Techniques, sans renoncer toutefois aux acquisitions rétrospectives. Il met en œuvre les principes de sa théorie de la « muséographie dynamique » en réorganisant et modernisant les « sections » et les dote de dispositifs de médiation innovants et pédagogiques. Il imagine et met en œuvre les éléments d’une culture scientifique et technique globale, appréhendée en lien avec le patrimoine.
Sous l’égide du CDHT (Centre de Documentation d’Histoire des Techniques), dont il est en 1960 l’un des fondateurs, en collaboration avec Jacques Payen, Alexandre Herlea et Dominique De Place, il fait preuve de pragmatisme et d’originalité en articulant la recherche, la gestion et la valorisation des collections scientifiques et techniques : l’objet devient une source pour l’historien et les sources alimentent la connaissance de l’objet. Ses équipes mettent en exergue des fonds inexploités du musée – « archives historiques » et Portefeuille industriel - et de la bibliothèque centrale (revue La Nature, Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale) et prépare l’informatisation de l’inventaire des collections en croisant différents fichiers documentaires.
Maurice Daumas enseigne de 1966 à 1968 l’histoire de la technologie à l’université de Nancy. Il est nommé en 1969 professeur de la chaire d’histoire des techniques modernes et contemporaines du Conservatoire des arts et métiers, première chaire d’histoire des techniques en France. Il fait valoir ses droits à la retraite en 1976 ; la chaire est malheureusement supprimée. Mais il prend soin d’instituer au Conservatoire, à son départ, une « commission sur l’avenir du musée », dont les réflexions ne sont pas sans incidence sur la rénovation engagée à la fin des années 1980, sous l’égide de la Mission interministérielle des Grands Travaux de l’État, et demeurent d’une intense actualité vingt ans après la réouverture du musée.
Maurice Daumas est également un acteur important dans le développement de l’archéologie industrielle et œuvre sur le terrain pour la sauvegarde du patrimoine industriel. Il poursuit ses travaux, après son départ à la retraite, notamment dans le domaine de l’archéologie industrielle qu’il avait lancé un an auparavant. Sous sa direction et celle de son proche collaborateur, Jacques Payen, une jeune équipe formée de Claudine Fontanon, Gérard Jigaudon et Dominique Larroque, débute un recensement des bâtiments industriels en France qui sera publié en 1978, année de la création aussi du CILAC (Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel) dont il sera élu président. Jusqu’à son décès en mars 1984 il développera une activité de recherche exceptionnelle sur des sujets variés. Il publie en 1980 l’Archéologie Industrielle en France, un livre de référence.
René Taton écrivait en 1984 dans son hommage à Maurice Daumas :
« On ne peut que souhaiter que, à son exemple, de jeunes chercheurs s’efforcent à la fois d’approfondir et de renouveler la connaissance de domaines déjà explorés, tout en prospectant et en ouvrant des voies originales de recherche. » (Maurice Daumas (1910-1984), Revue d’histoire des sciences, tome 37, n°3-4, 1984, p. 334-338)
Cette journée d’étude reviendra sur les différentes facettes de l’œuvre de Maurice Daumas, dont toutes ont en commun la question du patrimoine et le souci de la transmission, et sa personnalité marquée tant par la curiosité que par l’érudition, en les mettant en perspective et en mesurant l’héritage, les limites et l’actualité, au prisme de l’histoire des sciences, de l’histoire des techniques, de leurs relations et de leurs méthodes, de la muséologie et la muséographie scientifiques et techniques, du patrimoine industriel, et de la culture scientifique et technique. Cette journée d’étude sera également l’occasion de réfléchir sur le rôle de l’histoire des sciences et des techniques, le rôle de la muséologie scientifique et technique, le rôle de la culture scientifique et technique et à leurs enjeux dans la société actuelle.
Présidente de séance : Marie-Sophie Corcy
Président de séance : Alexandre Herlea