Le patrimoine technique, un patrimoine spécifique ?

Marquées par une très grande diversité : machines en taille réelle, instruments scientifiques, modèles réduits, dessins, photographies, échantillons… les collections techniques possèdent des traits spécifiques.
Le caractère composite des objets, associant divers matériaux, naturels ou artificiels en est un. Certains objets, fonctionnels, peuvent comporter des traces d’usure et des transformations, témoins de leur utilisation et de leur histoire matérielle. La diversité des matériaux comme des modes de fabrication nécessite souvent de faire appel à des restaurateurs de spécialités différentes réunis au sein d’équipes pluridisciplinaires.
 
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01│Téléimprimeur Creed type 7BN4, Creed and Company, vers 1970 (inv. 44354)
Intervention de l’atelier de restauration, 2013
Cet objet, utilisé avant d’entrer dans les collections, comporte d’importants résidus de graisse. Celle-ci favorise l’empoussièrement et le développement de corrosion.
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02│Machine à calculer de Louis Couffignal, 1946-1952 (inv. 35681)
Intervention de restaurateurs spécialisés, 2014
Ce calculateur est composé de matériaux hétérogènes et particuliers, que l’on retrouve dans le patrimoine technique mais aussi dans l’art contemporain. Ces matériaux, bien qu’assez récents, soulèvent de nombreux problèmes de conservation.
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Une même déontologie

« Rétablir l’unité potentielle de l’œuvre d’art, à condition que cela soit possible sans commettre un faux artistique, ou un faux historique, et sans effacer aucune trace du passage de cette œuvre d’art dans le temps. »
Cesare Brandi, historien de l’art et théoricien de la pratique moderne de la restauration.
 
La restauration s’est progressivement dotée de principes éthiques énoncés pour la peinture avant une généralisation progressive à l’ensemble du patrimoine. Cette déontologie fixe le cadre dans lequel s’élabore la réflexion sur la finalité et les modalités de la restauration. Parmi ces principes figurent la réversibilité, l’innocuité et la stabilité dans le temps des interventions qui garantissent, en théorie, la possibilité de revenir à l’état antérieur à la restauration. La « visibilité » impose que tout ajout ou retouche reste facilement décelable, afin de préserver l’authenticité et l’historicité.
 

Pour aller plus loin

Réversibilité : constitue un objectif déontologique essentiel, laissant la possibilité de retrouver un état antérieur à l’intervention. Par exemple, tout élément étranger ajouté lors du traitement de l’objet (montage, adhésif, retouche) doit pouvoir être retiré sans dommages.
Innocuité : qualité des matériaux, des produits et des interventions à ne causer aucun dommage sur les œuvres.
Visibilité : implique que les interventions sur les objets sont décelables.
03│Modèle réduit de métier de haute-lisse pour le galon, Duhamel, fin du XVIIIe siècle (inv. 854)
Intervention d’un restaurateur spécialisé en 2013
Ce modèle n’était plus compréhensible car la chaîne, en soie, avait disparu et le montage des cordelettes se disloquait. Les parties textiles ont été démontées et archivées pour traiter le bâti du métier. Les éléments manquants ont été refaits à l’identique.
04│Triacontaoctaèdre à faces triangulaires et carrées, Louis Charles Alexandre Muret, vers 1865 (inv. 8039-1-11)
Intervention d’une restauratrice spécialisée plâtre, 2016
Ce modèle géométrique a été brisé à la suite d’une mauvaise manipulation. Ses morceaux ont été assemblés et collés, et les quelques lacunes restituées. L’intervention reste décelable sur l’objet, dans le respect de la déontologie de la restauration.
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Peut-on remettre en fonctionnement ?

La mise en fonctionnement d’un objet technique est une question essentielle, pour laquelle il faut tenir compte de la valeur que l’on accorde à cet événement et de son intérêt pour la compréhension de l’objet, mais aussi de son état sanitaire. Entretenir le mouvement compromet forcément la pérennité : certains objets, comme les montres ou les horloges, s’inscrivent dans une longue tradition de mise en marche, qui implique l’ajout de lubrifiants, parfois source de corrosion. Par ailleurs, les frottements entre les pièces en mouvement entraînent des usures qui les fragilisent. Certains éléments peuvent même se casser lorsque le vieillissement des matériaux en a réduit la résistance. L’objet entre alors dans un cycle d’entretien, de vérification et de suivi des dégradations assuré par l’atelier de restauration.

Pour aller plus loin

05│Pendule à planétaire, Zacharie Raingo, Paul Garnier, Honoré Pons, vers 1830 (inv. 10620)
Intervention d’un restaurateur spécialisé en horlogerie, 2012
Une étude poussée après démontage a établi la possibilité d’une remise en fonctionnement de cette pendule. Les oxydations ont été nettoyées et stabilisées : certaines étaient dues aux huiles de lubrification (de couleur verte sur l’image).
 
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Peut-on remettre en fonctionnement ?

La mise en fonctionnement d’un objet technique est une question essentielle, pour laquelle il faut tenir compte de la valeur que l’on accorde à cet événement et de son intérêt pour la compréhension de l’objet, mais aussi de son état sanitaire. Entretenir le mouvement compromet forcément la pérennité : certains objets, comme les montres ou les horloges, s’inscrivent dans une longue tradition de mise en marche, qui implique l’ajout de lubrifiants, parfois source de corrosion. Par ailleurs, les frottements entre les pièces en mouvement entraînent des usures qui les fragilisent. Certains éléments peuvent même se casser lorsque le vieillissement des matériaux en a réduit la résistance. L’objet entre alors dans un cycle d’entretien, de vérification et de suivi des dégradations assuré par l’atelier de restauration.

Pour aller plus loin

06│Pendule par Deschamps, vers 1825 (inv. 10624)
Intervention de l’atelier de restauration, 2008
La pendule a fait l’objet d’une mise en fonctionnement à l’occasion d’une exposition temporaire. Il a fallu au préalable la réviser et s’assurer de la présence d’un restaurateur pour la remonter.
07│La Joueuse de tympanon, David Roentgen et Pierre Kintzing, 1784 (inv. 7501)
Interventions régulières de l’atelier de restauration du musée
Cet automate destiné à Marie-Antoinette a fait l’objet d’une restauration musicale en 1992 pour comprendre les déformations accumulées au cours de son histoire et identifier les huit airs interprétés. Ses parties mécaniques ont récemment été démontées et révisées.
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Quelles alternatives au fonctionnement ?

La simulation du fonctionnement d’un objet constitue un champ de recherche et un support de médiation privilégiés dans un musée technique. Quand la mise en marche est risquée, plusieurs solutions peuvent être envisagées. On peut ainsi filmer et enregistrer un objet encore en état de fonctionner, comme ce qui a été récemment mis en œuvre dans le Théâtre des automates. Dans certains cas, le fac-similé, c’est-à-dire la copie, permet de reproduire le fonctionnement sans mettre en danger l’œuvre originale. Il peut être réalisé dans un matériau différent ou à une autre échelle pour le distinguer de l’original. Une autre solution intéressante est la remise en fonctionnement virtuelle, par le biais de l’imagerie numérique 3D.

Pour aller plus loin

08│Fac-similé de la machine à calculer de Blaise PascaL Lycée Clément Ader, 2000
Le fac-similé de cet objet prestigieux des collections a été réalisé à une échelle différente et avec des matériaux transparents : il permet aux visiteurs de comprendre le fonctionnement de la Pascaline.
09│Mécanisme du chant du rossignol, vers 1885 (inv. 10638) et son fac-similé réalisé par Artimachines, 2016
Pour éviter la mise en marche trop fréquente du mécanisme original, un fac-similé simplifié a été construit, permettant de réaliser des démonstrations devant le public.
10│Borne interactive
Les pièces présentées dans le Théâtre des automates du Musée des arts et métiers ne peuvent pas être mises en marche régulièrement. Pour que les visiteurs puissent malgré cela apprécier le fonctionnement de ces objets, ceux-ci ont été filmés et de courtes séquences sont consultables à proximité des automates.
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Un cas d’école : la voiture Hélica

Par sa motorisation, la forme de sa caisse et l’emploi de matériaux issus de l’aéronautique, cette voiture à hélice « Hélica » est l’une des pièces les plus emblématiques de la collection automobile du musée. Exposée dans l’église, elle souffrait de nombreux désordres, causés par des conditions climatiques parfois inadéquates et surtout des manipulations inadaptées, dues, notamment, à l’intrusion de visiteurs à l’intérieur de l’habitacle. Objet complexe mêlant des matériaux et des techniques très différents, l’Hélica a nécessité l’élaboration d’une étude préalable menée par quatre restauratrices pour déterminer les grandes phases du chantier de restauration et leurs priorités.

Pour aller plus loin

Le constat
Réalisé pour l’étude préalable, le constat d’état a révélé de nombreux problèmes, qu’il s’agisse d’un fort empoussièrement et encrassement, de lacunes et soulèvements de la couche picturale, et d’importantes traces de corrosion et plusieurs problèmes relatifs à la structure de l’objet : contreplaqué de la caisse abîmé, siège en cuir percé, toile tendue sur une roue percée, tuyaux du moteur incomplets.
Le projet
L’objectif de la restauration était ici triple : d’abord, améliorer les conditions de conservation de l’objet et contrôler le vieillissement des matériaux et leurs interactions ; ensuite, approfondir notre connaissance de l’histoire matérielle de l’objet ; enfin retrouver un état de présentation fidèle à l’histoire de ce véhicule. En ce sens, nous avons privilégié la conservation des traces d’usage, témoignages essentiels qui confirment que cette Hélica a bien fonctionné par le passé (comme des traces de coulures sur la carrosserie à proximité des roues avant par exemple).
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Un cas d’école : la voiture Hélica

Par sa motorisation, la forme de sa caisse et l’emploi de matériaux issus de l’aéronautique, cette voiture à hélice « Hélica » est l’une des pièces les plus emblématiques de la collection automobile du musée. Exposée dans l’église, elle souffrait de nombreux désordres, causés par des conditions climatiques parfois inadéquates et surtout des manipulations inadaptées, dues, notamment, à l’intrusion de visiteurs à l’intérieur de l’habitacle. Objet complexe mêlant des matériaux et des techniques très différents, l’Hélica a nécessité l’élaboration d’une étude préalable menée par quatre restauratrices pour déterminer les grandes phases du chantier de restauration et leurs priorités.

Pour aller plus loin

Des compétences complémentaires
Le traitement de l’Hélica a mobilisé, sur trois années, des compétences complémentaires dans le domaine de la restauration. Des restauratrices spécialisées dans le traitement du métal ont ainsi supprimé les produits de corrosion et prévenu d’éventuelles oxydations ; le nettoyage de la polychromie sur bois, sur métal et sur les toiles enduites a été confié à des restauratrices spécialisées dans la peinture, qui se sont en outre assurées de la stabilité de la couche picturale ; la caisse, en contreplaqué, a été traitée par un restaurateur spécialisé dans le mobilier. Le traitement des sièges, réalisé par une restauratrice spécialisée dans le cuir, impliquait leur nettoyage, la reprise des coutures, la consolidation de la toile enduite, la restitution et l’intégration des capitons et enfin leur mise en teinte.
Un objet mieux compris
Au terme de la restauration, l’état de la voiture est plus homogène et stabilisé. L’Hélica nous a livré plusieurs secrets, notamment quant à sa construction, avec la confirmation de l’emploi de techniques issues de l’aéronautique de l’entre-deux-guerres, mais également quant à son utilisation, avec la présence de plusieurs couches de peinture, rappelant que l’Hélica a été préparée à plusieurs reprises pour courir des courses de vitesse.
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Générique de l'exposition

Cette version numérique de l'exposition De la soierie au moteur. Dans les coulisses de la restauration est une adaptation de l’exposition Objets restaurés, patrimoine exposé, présenté en 2014, dont le commissariat était assuré par Anne-Laure Carré et Dominique Vandecasteele.  

Rédaction des textes
Anne-Laure Carré, Rémi Catillon, Céline Daridan, Lionel Dufaux, Lucie Lohier-Fanchini, Perrine Starck.
 
Graphisme et impression
Cendrine Bonami-Redler, Objectif numérique
 
Crédits photographiques

Musée des Arts et Métiers :
©Photos Michèle Favareille, Hélène Mauri, Charlotte Compan, Pascal Faligot, Sylvain Pelly, Luc Boegly, Fred Behar, Céline Daridan, atelier de restauration, service de l’inventaire, régie, photo studio Cnam.
 
Restaurateurs :
©Thalia Bajon-Bouzid, Adèle Cambon, C2RMF, Ingrid Léautey, Sylvain Lucchetta, Antoinette Villa.
 
Remerciements 
Thalia Bajon-Bouzid, Adèle Cambon, Anne Courcelle, Agnès Conin-Van Lancker, Patricia Dal-Pra, Dalila Druesne, Valentine Dubard, François Duboisset, Marie-Noëlle Laurent-Miri, Ingrid Léautey, Sylvain Lucchetta, Louisiane Rios, Emilie Rouquié, Guy Scherrer, Agathe Strouk, Antoinette Villa, Marc Voisot et Alice Vrinat.