Le patrimoine de la recherche

Associer les concepts de « patrimoine », de « recherche scientifique » à une chronologie récente n’est pas une évidence. La notion de patrimoine évoque intuitivement un temps passé plutôt lointain tandis qu’un laboratoire de recherche est, par vocation, tourné vers l’innovation et le futur.

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Pourtant, les laboratoires de recherche s’inscrivent dans une historicité, ils sont porteurs d’un patrimoine en devenir. Ce patrimoine est lisible à travers des traces matérielles, culturelles et immatérielles (identité d’un laboratoire, thématiques de recherche, gestes, vocabulaire, rites internes…).

Au sein de ce patrimoine, l’objet technique et les équipes qui les emploient tiennent une part essentielle. Or, la rapidité des évolutions scientifiques, techniques et technologiques des cinquante dernières années a accéléré l’obsolescence des objets et des pratiques. Les objets disparaissent, leurs fonctionnements et leurs usages sont peu à peu oubliés, entraînant une perte de connaissance irréversible. La conservation des objets techniques, révélateurs des liens entre société et sciences, constitue une opportunité de préserver l’histoire et la culture de la recherche scientifique. Initié il y a plus de quinze ans par le Conservatoire national des arts et métiers, le programme PATSTEC porte une réflexion nationale sur le patrimoine récent (du début XXe et XXIe siècles), tout en menant un programme de sauvegarde et de valorisation des objets qui en révèlent la richesse et la diversité.

 
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Démomètre ou cage à population

Le modèle originel de démomètre, ou cage à population, est conçu de manière artisanale, en 1932, par deux généticiens français, Philippe L’Héritier et Georges Teissier, dans le cadre d’une des premières démonstrations expérimentales des phénomènes de sélection génétique. Cet appareil permet d’élever des milliers de mouches drosophiles en maintenant la population en état d’équilibre démographique dans des conditions contrôlées. Il est ainsi possible de suivre l’évolution de populations sous l’effet de différents facteurs. 

Le prototype en plastique présenté est une version plus petite du modèle initial en verre et en bois, réalisé par le laboratoire de génétique de l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. En 2010, il entre dans les collections du muséum Henri-Lecoq. 
Muséum Henri-Lecoq, Clermont Auvergne Métropole Philippe L’Héritier, Georges Teissier
1970
Plastique, métal
Inv. MHLCLFE.2010.4.1 
© Clermont Auvergne Métropole/Muséum Henri- Lecoq/Amandine Schmaltz 
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ReSeed

L’application ReSeed a pour ambition de créer une nouvelle méthodologie, un outil et un format interopérable pour permettre l’alliance de la digitalisation d’éléments sémantiques (les données historiques) et les éléments physiques des objets patrimoniaux obtenus par numérisation 3D. L’ambition est de construire de nouvelles façons de capitaliser, d’analyser et de valoriser le patrimoine en utilisant les outils numériques. L’objectif de ce projet et de l’application prototype ReSeed est une approche globale couvrant le processus de patrimonialisation dans son intégralité. Ce projet est financé par l’Agence Nationale de la Recherche, il s’agit d’une collaboration pluridisciplinaire avec plusieurs partenaires institutionnels, académiques et industriels. 
Équipe Projet ANR ReSeed, coordination nationale : Florent Laroche, Laboratoire LS2N (UMR CNRS 6004), École Centrale de Nantes 2019 
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Pneu dit « cage à mouche »

Ce prototype appelé « cage à mouche » ou CAM a permis de mettre au point la carcasse radiale, technologie révolutionnaire brevetée par Michelin en 1946. Il est constitué d’une carcasse très simple sur laquelle est fixée la bande de roulement, permettant d’isoler le fonctionnement des flancs et du sommet du pneu. L’observation du comportement de ce prototype en essai a permis de résoudre un problème d’échauffement qui était posé depuis longtemps. Le pneu radial permet de faire plus de kilomètres, en consommant moins d’énergie et dans de meilleures conditions de sécurité. 

Commercialisé pour les voitures à partir de 1949 puis décliné pour d’autres types de véhicules (poids-lourds en 1952, avions en 1981, moto en 1987), il est sans cesse amélioré et reste le fer de lance du développement international de Michelin. 
Collection de l’Aventure Michelin 
1946 (fac-similé du prototype original) 
Matériaux divers, caoutchouc, noir de carbone, fils textiles et métalliques 
OBJ49.00026 
© L’Aventure Michelin 
© 2020-Michelin-Tous droits réservés 
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Caméra ISOCAM

La camera ISOCAM (Infrared Space Observatory CAMera) est la première caméra infrarouge à mosaïque de détecteurs envoyée dans l’espace en 1995 à bord du télescope spatial ISO. Elle est alors placée au foyer d’un télescope de 60 cm de diamètre, en fonctionnement de 1995 à 1998. L’innovation technologique principale de l’ISOCAM réside dans l’utilisation de deux détecteurs infrarouges indépendants constitués de matrices multidimensionnelles de 1 024 pixels chacun et sensibles à différentes longueurs d’onde. 

Le prototype dit « modèle de vol » est une copie identique au dispositif satellisé, conservée pour réaliser des tests de contrôle en cas d’anomalie en vol et préserver la filière technique. La caméra a permis de cartographier le ciel en infrarouge dans les longueurs d’onde entre 3 et 17 micromètres. 
Département d’astrophysique (DRF/Irfu/DAp CEA Saclay)
1995
© Département d’Astrophysique du CEA 
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Liquéfacteur mixte hydrogène-hélium, dit liquéfacteur Lacaze-Weil

À la demande de Louis Néel (prix Nobel de physique en 1970), les professeurs Louis Weil et Albert Lacaze conçoivent ce liquéfacteur à double détente d’hydrogène et d’hélium afin de disposer d’un appareil capable de produire en continu des fluides aux températures proches du zéro absolu (-273 °C). Instrument inédit en France, sa conception et son utilisation nécessitent de nouvelles technologies. De nombreux laboratoires s’intéressent à la machine, dans des champs allant de la recherche spatiale à l’imagerie médicale et récemment l’informatique quantique. 

Une société créée pour la commercialisation, TBT, est rachetée en 1958 par Air Liquide qui devient, grâce au liquéfacteur, un des leaders mondiaux de la production des fluides cryogéniques. L’appareil est inscrit au titre des Monuments historiques depuis 2017. 
Institut Néel-CNRS, Grenoble, département Matière condensée-basses températures, anciennement CRTBT, originellement LEPM Albert Lacaze, Louis Weil 
1954-1956 
Cuivre verni, acier inoxydable, argent 
Inv. ACONIT-PSTC 1 
© ACONIT/CNRS 


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Le projet Reseed
par Florent Laroche, Laboratoire LS2N (UMR CNRS 6004), École Centrale de Nantes