Les « Conférences Étienne-Jules Marey » entendent rendre hommage au génial inventeur du chronophotographe – d’aucuns diraient du cinématographe – en invitant un chercheur reconnu pour ses travaux sur le statut de l’image dans notre société. En 2016-17, l’invité du Musée des arts et métiers est Benoît Peeters.
Au cours de ces huit conférences, Benoît Peeters analysera les mutations fondamentales qu’ont connues les images entre 1830 et 1914, en devenant reproductibles et séquentielles, puis mobiles. Ce sont les médias naissants – la caricature, le livre illustré, la bande dessinée, la photographie, le cinéma et le dessin animé – qui seront surtout évoqués. Mais au lieu de les séparer, la recherche mettra en évidence tout ce qui les relie.
Il sera question des panoramas et de la lithographie, du télégraphe et du phonographe, du chemin de fer et de l’aviation, mais aussi de personnages qui ont joué un rôle de passeurs entre les disciplines comme Töpffer, Nadar, Muybridge, Marey, Edison, les frères Lumière, Méliès et Winsor McCay. Il y aura des échappées vers Daumier, Meissonier et Degas, mais aussi vers Balzac, Jules Verne, Charles Cros, Clément Ader, Darwin et Freud. Plus souterrainement, il s’agira d’une réflexion sur les liens entre l’histoire des arts et celle des techniques.
Benoît Peeters est né à Paris en 1956. Ancien élève de Roland Barthes, il est titulaire d’une Habilitation à diriger des recherches. Une longue complicité avec François Schuiten lui a permis de construire avec lui la célèbre série de bande dessinée Les Cités obscures. Auteur de nombreux essais sur l’image, Benoît Peeters est aussi le biographe de personnages aussi différents qu’Hergé, Jacques Derrida et Paul Valéry.
• Mercredi 19 octobre 2016, de 18h30 à 20h30
Paris 1830: Un nouveau monde
La révolution industrielle coïncide avec la révolution des images. C’est le temps de la vapeur et de l’électricité, du télégraphe et du chemin de fer, inlassablement représentés par Daumier. C’est aussi le temps des panoramas et des dioramas, où se mettent en place certaines des techniques que le cinéma développera plus tard. Sous la Monarchie de juillet, les nouvelles lois sur la presse permettent à la caricature politique de se développer. Mais cette liberté reste fragile, comme le montrent « Les poires » de Charles Philipon et leurs multiples déclinaisons. Invention d’Aloys Senefelder, la lithographie se diffuse rapidement, tandis que la technique de la gravure se simplifie. Le livre illustré devient un genre à part entière, avec Nodier, Johannot, Balzac, Gustave Doré et quelques autres. Mais dans Un autre monde de Grandville, le crayon essaie de s’émanciper de la plume…
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 16 novembre 2016, de 18h30 à 20h30
Töpffer et la naissance de la bande dessinée
Rodolphe Töpffer (1799-1846) est aujourd’hui reconnu comme le père de la bande dessinée. Pédagogue rousseauiste, littérateur estimé, critique d’art, Töpffer est avant tout l’auteur d’histoires en images comme M. Jabot, M. Crépin et M. Pencil. C’est Goethe, l’un de ses premiers lecteurs, qui le décide à publier ses histoires. À Genève, Töpffer édite lui-même ses albums et les commercialise : la bande dessinée naît donc sous forme de livres et non dans la presse. Les premières éditions-pirates sont publiées à Paris chez Aubert, la maison de Charles Philipon. Un peu plus tard, M. Cryptogame paraît en feuilleton dans L’Illustration. Remarquable théoricien, Töpffer a d’emblée l’intuition qu’il fonde un genre nouveau, où « il y a prodigieusement à moissonner ». Les premiers continuateurs français sont Cham, Nadar et le jeune Gustave Doré. En France comme en Grande Bretagne, en Allemagne et ailleurs, la bande dessinée occupe une place conséquente dans la presse tout au long du XIXe siècle.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 14 décembre 2016, de 18h30 à 20h30
De la plaque Daguerre
Nicéphore Nièpce met au point dès 1822 les premières images de type photographique, mais son isolement ne lui permet pas de diffuser son invention. Daguerre, propriétaire d’un diorama disparu dans un incendie, perfectionne l’invention et met au point le daguerréotype. En 1839, Arago convainc l’Assemblée nationale d’octroyer libéralement le brevet au monde entier. La « folie daguerrienne » s’empare de la France et de l’Europe. Partout, des amateurs s’y essaient. Mais cette image-empreinte, d’un genre radicalement nouveau, suscite aussi des craintes, comme celles de Balzac qui craint que chaque prise de vue ne lui ôte une couche de son être. En Angleterre, pendant ce temps, Talbot met au point le calotype, qu’il considère comme « le crayon de la nature ». En France, Bayard, Le Gray, Du Camp et quelques autres proposent de nouveaux usages de la photographie naissante, tandis que Töpffer et Baudelaire s’insurgent contre elle.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 18 janvier 2017, de 18h30 à 20h30
Les métamorphoses de Nadar
Félix Tournachon, dit
Nadar (1820-1910) est un personnage fascinant et l’un des passeurs majeurs du XIX
e siècle. Figure de la Bohème, ami de Baudelaire, polygraphe et dessinateur, il devient célèbre avec le « Panthéon Nadar », vaste galerie de caricatures. Le vrai Panthéon Nadar est pourtant celui que constitue l’ensemble de ses photos des grandes années. Mais Nadar ne tarde pas à se lasser lorsque le portrait photographique s’industrialise. Laissant ce terrain à Didéri, il se lance dans de nouvelles expériences, comme la photographie souterraine et la photographie aérienne.
Dès le milieu des années 1860, Nadar (rejoint par Jacques Babinet et Jules Verne) se persuade que la navigation aérienne reposera sur le « plus lourd que l’air ». Étrangement, c’est au moyen d’un ballon plus grand que tous les autres, « Le Géant », que Nadar essaie de recueillir des fonds pour développer les recherches. Sa longévité lui permettra en 1909 de saluer la traversée de la Manche par Blériot.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 15 février 2017, de 18h30 à 20h30
Muybridge et Marey : le cheval et l'oiseau
Physiologiste,
Etienne-Jules Marey (1830-1904) s’intéresse d’abord à la circulation du sang. C’est pour analyser le mouvement sous toutes ses formes qu’il se tourne vers la photographie : elle n’est d’abord pour lui comme un outil privilégié. À la même époque son exact contemporain, l’Américain
Eadweard Muybridge, réalise de superbes photos de paysages à Yosemite. À la demande de l’homme d’affaires Leland Stanford, Muybridge met au point un dispositif technique permettant de comprendre le galop du cheval. La systématisation des travaux de Muybridge lui permet d’analyser bientôt la locomotion animale et humaine. Il dialogue à distance avec Marey qui, à l’aide de son fusil photographique, cherche de son côté à comprendre le vol des oiseaux. Muybridge entreprend une tournée de conférences illustrées à travers l’Europe. À Paris, il rencontre Marey, mais aussi des peintres aussi différents que Meissonnier et Degas. Tous sont bouleversés par ce que révèlent les photographies séquentielles.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 15 mars 2017, de 18h30 à 20h30
La peinture à l'épreuve de la photographie
Tout au long du XIX
e siècle, les rapports entre peinture et photographie sont multiples, complexes, souvent paradoxaux.
Dédaignée par la plupart des écrivains, la photographie l’est aussi par les peintres. Nadar se bat longtemps avant de lui obtenir une petite place au Salon. Mais les photographes ne sont pas les seuls artistes à être refusés : ironiquement, c’est dans l’atelier du même Nadar qu’a lieu la première exposition des Impressionnistes. Ainsi que l’avait pressenti Töpffer, la notion même de ressemblance est profondément affectée par l’apparition de l’image photographique. Le peintre Gérôme en fait les frais, lorsqu’un de ses modèles refuse son portrait.
Delacroix est déjà un artiste accompli lorsque le daguerréotype apparaît : il l’utilise mais dissimule l’usage qu’il en fait. La photographie influence de manière plus profonde les peintres de la génération suivante : photographe amateur,
Degas cherche à saisir le mouvement instable, l’instant furtif, comme après lui
Bonnard et bien d’autres.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 19 avril 2017, de 18h30 à 20h30
Lumière et Méliès : les deux naissances du cinématographe
Plus encore que celle du phonographe, l’invention du cinéma a donné lieu à d’interminables polémiques. Depuis longtemps,
Athanasius Kirchner,
Etienne Robertson et
Joseph Plateau en avaient mis au point certains dispositifs. Quant à
Marey et son assistant
Demenÿ, ils se préoccupaient d’analyser le mouvement, non de le restituer : si Marey n’a pas inventé le cinéma, c’est parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt.
Dans les dernières années du XIX
e siècle, la compétition bat son plein entre le Kinétoscope d’
Edison et le Cinématographe des
frères Lumière. Les premiers films Lumière proposent à bien des égards un cinéma de photographe, s’interdisant les manipulations et préfigurant le documentaire. Venu du dessin et de la prestidigitation,
Georges Méliès crée pour sa part un cinéma de féérie, entièrement tourné en studio ; jusqu’au début de la Première Guerre mondiale, ses films connaîtront un immense succès, y compris aux États-Unis.
Retrouvez la conférence en vidéo• Mercredi 10 mai 2017, de 18h30 à 20h30
Winsor McCay, de la bande dessinée au dessin animé
Si la bande dessinée continue à se développer tout au long du XIX
e siècle, c’est aux Etats-Unis, vers 1900, qu’elle prend une nouvelle ampleur. La guerre que se livrent deux grands patrons de presse,
Joseph Pulitzer et
William Randolph Hearst, est l’un des moteurs de cette expansion. Avec le fameux
Yellow Kid de
Richard Outcault, le phylactère s’impose, dans le prolongement du phonographe d’Edison.
L’auteur le plus marquant de la période est incontestablement
Winsor McCay (1867-1934). Les métamorphoses sont au cœur des séquences qu’il dessine avec une incroyable liberté, s’appuyant sur les possibilités du rêve. Les « Sunday Pages » de
Little Nemo in Slumberland correspondent aussi à la conquête de l’espace de la planche et au triomphe de la couleur.
Mais McCay est aussi, avec les Français
Emile Reynaud et émile Cohl, un des pionniers du dessin animé. C’est entièrement seul qu’il anime Little Nemo, avant de faire vivre Gertie le dinosaure, puis de reconstituer la catastrophe du Lusitania.
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