Le musée des Arts et Métiers a conduit, en 2012-2013, une importante opération de conservation sur la voilure originale de l’Avion n° 3 de Clément Ader, exposé dans l’escalier d’honneur. A la fin des années 1970, l’aéroplane a en effet été confié au Musée de l’air et de l’espace pour une restauration complète. Offrant pour la première fois l’occasion d’étudier de près la conception de cet avion mythique, cette opération comprenait la dépose des toiles de la voilure et leur restitution à l’identique. Depuis cette époque, les voiles étaient stockées dans un conditionnement ne répondant plus aux normes actuelles de la conservation préventive. Le reconditionnement de ces éléments a nécessité leur identification précise et a permis de mieux connaître les conditions dans lesquelles l’Avion n° 3 a été construit. L’étude des toiles de l’Avion n° 3 de Clément Ader a été réalisée par deux restauratrices du patrimoine spécialisées dans le traitement des textiles, avec le soutien de la Fondation d’Entreprise Hermès.
Quarante-huit éléments de la voilure originale sont encore présents dans les collections. Leur déballage a requis d’importantes précautions : le tissu de certaines toiles était en effet très dégradé, ne permettant pas toujours une mise à plat. Des recherches documentaires et iconographiques, conduites dans des bibliothèques ou des fonds d’archives, ont permis d’identifier les fragments, en comprendre l’utilité et les replacer sur l’appareil.
L’opération a permis de connaître précisément les matériaux utilisés pour la confection de la voilure. On sait que Clément Ader était particulièrement soucieux de la qualité des matériaux, et qu’il recherchait absolument à limiter le poids de son aéroplane. Les voiles sont en soie de deux qualités différentes : la première en armure toile, fil poil sans torsion apparente, 48 chaînes au cm, 60 trames au cm, lisière simple sur 7 mm par 37 fils plus tassés ; la seconde en armure toile, fil poil sans torsion apparente, entre 35 et 48 fils au cm dans un sens, entre 50 et 60 fils au cm dans l’autre sens.
L’étude des toiles nous renseigne sur la manière dont elles ont été élaborées et montées sur la structure de l’aéroplane. Les pièces de tissu sont tendues sur les segments de la structure, et assemblées les unes aux autres à l’aide de boutonnières cousues manuellement. Il semble que la voilure compte plus de 3 000 boutonnières, ce qui représente un travail de couture considérable. Les boutons sont en corozo, une sorte d’ivoire végétal, choisi pour sa légèreté. On a également repéré des points de repérage brodés sur les toiles, ainsi que des galons de renfort pour améliorer la solidité des panneaux.
Chacun des éléments a fait l’objet d’un constat d’état détaillé précisant les conditions de conservation et récapitulant les dégradations (déchirures, tâches, manques…). Un conditionnement temporaire a été mis en œuvre : les fragments sont maintenant conservés dans des boîtes en carton neutre. Une nouvelle étape doit à présent être engagée, avec la conception d’un conditionnement pérenne adapté, protégeant les toiles et facilitant leur consultation par des chercheurs, rendant enfin cet ensemble patrimonial accessible.